num 105

L'édito du n° 105


La paix par la solidarité 

La solidarité était la colonne vertébrale de la pensée politique de Léon Bourgeois. Paul-Emile Petit et Ulysse Lallement, nos deux Châlonnais célèbres, qui étaient de ses amis, ont suivi les efforts qu’il déploya en 1919, pendant la Conférence de la Paix, afin que sa grande idée soit inscrite dans le marbre du traité de Versailles. Il plaida avec conviction, au nom de la France, pour que la Société des Nations, voulue par le Président Wilson et conçue par les conférences de La Haye de 1899 et 1907 où Léon Bourgeois eut une part active, ait les moyens de ses ambitions afin de maintenir durablement la Paix universelle entre les peuples. 


Ulysse Lallement ne connaîtra pas la déception qu’a dû ressentir Léon Bourgeois. Ses amendements, qui auraient pu nous préserver d’une seconde guerre mondiale, n’ont pas été intégrés dans le titre I du traité de Versailles créant la Société des Nations. Mais, en homme d’État ayant une stature internationale, Léon Bourgeois dépassa son ressentiment et, poursuivant sa grande idée, va présider cette institution et verra son œuvre couronnée en 1920 par le prix Nobel de la Paix.


L’histoire de l’hôpital qui porta son nom nous rappelle également que Léon Bourgeois fut empli de compassion pour les victimes des gaz moutardes et de la tuberculose dont il se sentait solidaire. Si ses contemporains lui rendirent un hommage mérité en lui édifiant un monument rue Juliette Récamier, son souvenir est aujourd’hui oublié. Son bronze fut fondu en 1942 et son socle de pierre déposé sur une pelouse de l’hôpital en 1969. 


Cinquante ans plus tard, à l’heure de célébrer le centenaire de la Société des Nations, la paix par la solidarité des peuples ne fait plus recette, malgré l’urgence d’agir face au dérèglement climatique. Certes, le développement durable est régulièrement évoqué, comme dans les dossiers du réseau de chaleur et de la route solaire que nous analysons. Mais, outre que leurs résultats risquent de ne pas être à la hauteur des ambitions affichées, l’ampleur de la tâche à accomplir est immense et la France a pris un retard conséquent. La pétition sur l’affaire du siècle, à laquelle nous nous sommes associés, est là pour nous le rappeler.


Ces considérations ne nous font pas pour autant oublier la protection du patrimoine local ni de nous inquiéter du retard pris par la mise en place du Conseil de Développement. L’absence de cette forme de démocratie participative se fait cruellement sentir à l’heure où le mouvement des Gilets Jaunes, faisant le lit des extrêmes, dérive dangereusement en véhiculant une haine des élites et une contestation violente de nos institutions républicaines. La Paix, qu’elle soit entre les peuples ou au sein d’une même communauté nationale, ne peut régner durablement sans le principe de solidarité cher à Léon Bourgeois, ni sans respecter la démocratie, en laquelle il croyait profondément. Nous aussi.


Puisse l’année nouvelle qui commence, et durant laquelle nos voeux les plus sincères vous accompagnent, ramener cette paix dans les esprits.


Sabine Schepens               Bruno Malthet

rédactrice en chef             président de l’association


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