L'édito du n° 131
Voyage à tire-d’aile
On ne peut que s’émerveiller devant les calendriers sortis des presses de l’imprimerie Barbat au XIXe siècle. Ce sont tout à la fois des œuvres d’art destinées à sa clientèle et un formidable outil de communication de son savoir-faire. Le détail de celui de 1875, qui illustre notre couverture, invite à la rêverie dans un paysage champêtre au cœur de la ville. Moins bucoliques et plus austères, les calendriers de l’imprimerie Martin nous invitent néanmoins à des voyages oniriques avec ses horaires de trains. Durant les quatre à cinq heures de trajet pour rejoindre la gare de l’Est, les paysages défilent lentement tandis que la fumée de la locomotive se déchire et vient chatouiller les narines des imprudents se penchant au dehors.
La gare quittée et la Marne franchie, ce sont les vieilles eaux de cette dernière qui nous invitent à nous replonger dans le passé. Elles formaient l’ancien cours de la rivière, dérivée et canalisée à la fin du XVIIIe siècle, traversaient le Jard, baignaient la rive du cimetière de l’ouest et allaient se perdre, en rejoignant celles du Mau, dans le canal Saint-Martin. Envasées et en partie comblées, on les rouvrit à la navigation à partir de 1826, avant de creuser le canal latéral à partir de 1843 et de refermer la vieille Marne par un batardeau, en aval de l’écluse. Quand les Ponts & Chaussées s’avisèrent de la rouvrir en 1868, et de jeter deux ponts au-dessus, dont l’histoire vous est contée. La ville, soucieuse de son droit de propriété immémorial, leur chercha querelle.
A cette époque, grâce à la donation Charles Picot, le musée municipal commençait son âge d’or. Devenu depuis un demi-siècle le parent pauvre de la politique culturelle municipale, il nous inspire des humeurs que notre association ne saurait cacher sans faillir à son objet. Il n’est que temps, à un an du renouvellement du Conseil municipal, de tirer la sonnette d’alarme sur le vaste chantier patrimonial qui attend la future équipe, quelle qu’elle soit. Outre le musée, Notre-Dame et Saint-Loup attendent que l’on se penche à leur chevet et que les pigeons, dont les fientes corrodent le patrimoine, retournent dans des pigeonniers.
Terminons ce voyage à tire-d’aile en nous penchant sur ces poulets qui, dans le poulailler géant prévu à Sarry, ne mettront jamais une patte dehors et menacent la qualité de vie des riverains, avant d’achever ce tour d’horizon sur notre courroux. Il s’adresse à un élu qui, s’il a le droit de ne pas nous aimer, n’a pas celui de nous diffamer.
Sabine Schepens, rédactrice en chef,
Bruno Malthet, président de l’association