L'édito du n° 89
Orages sur Châlons
Incontestablement, Mgr Tissier a marqué son temps. Grand orateur, sa parole a porté bien au delà de ses fidèles. Son discours, lors du Te Deum de la victoire de 1918, a vibré du patriotisme ardent qui, tout autant que sa foi, l’habitait. Son attitude, durant et entre les deux guerres mondiales, en a fait un prélat hors pair justifiant la reconnaissance de sa hiérarchie, qui le fit archevêque-évêque de Châlons, et de ses contemporains, qui donnèrent son nom à une des places les plus empruntées de la ville.
Patriote, il était à l’unisson de sa ville qui, depuis 1801, entretenait une histoire d’amour avec sa garnison et, au-delà, l’armée. Cette relation n’était pas toujours un long fleuve tranquille, en temps de paix comme durant la guerre. En témoigne le dossier que nous consacrons aux trous et à la boue des rues de Châlons en 1916. Elles étaient journellement empruntées par les véhicules en tous genres montant au front et en revenant. Mais tout cela n’était que broutilles, face à l’orage qui n’allait pas tarder à gronder sur Verdun, et n’entama pas l’idylle qu’entretenaient la ville et l’armée.
Peu à peu, pourtant, à partir de la Libération, ce vieux couple a vu son histoire d’amour se déliter. L’armée se retira, à petits pas, de la cité. Ce mouvement de repli s’est amplifié au cours des vingt dernières années et va connaître son aboutissement en 2015 avec le départ du 1er RAMa fraîchement implanté à Châlons. Aussi ce numéro consacre-t-il un long dossier aux deux siècles de présence militaire à Châlons et à l’analyse de l’impact de ce départ. Il s’appuie sur un rapport réalisé en 2013 par l’Agence d’urbanisme de Châlons. Il confirme que la foudre qui s’abat sur la ville était prévisible.
Il est un autre sujet d’actualité, la réforme territoriale, qui devrait priver Châlons de son statut de capitale régionale. Longtemps, ce fut Reims qui tenta de lui ravir la préfecture. Coïncidence, au même moment, le Petit Catalaunien a trouvé aux archives municipales un très curieux dossier. Il expose les démarches entreprises par la ville de Châlons au début du XIXe siècle pour conserver la préfecture que Reims prétendait lui ravir. L’orage gronda très fort, mais Châlons sut se préserver de la foudre et prendre toutes les dispositions utiles en temps et en heure.
Reste un dernier sujet qui nous met particulièrement en colère. Il s’agit du peu de cas que fait la ville de Châlons de son - nôtre - patrimoine. Elle s’est autorisée, en débit des lois et règlements qu’elle est tenue de respecter et qu’elle ne manque pas de rappeler à ses administrés, à fixer une banderole à l’aide de 25 rivets, sur la porte Sainte-Croix.
Avec ce numéro, nos adhérents et abonnés trouveront par ailleurs une invitation pour notre prochaine assemblée générale. Elle sera consacrée à une modification statutaire et aux choix stratégiques devant engager l’association avec la publication du futur «dictionnaire biographique de la Catalaunie & des Châlonnais célèbres, illustres ou mémorables ». Elle se terminera par la traditionnelle cérémonie des voeux autour du verre de l’amitié.
Sabine Schepens
rédactrice en chef