num 90

L'édito du n° 90


Combattants de la Liberté

En préparant ce numéro, nous avions en tête les tragiques évènements du 7 janvier et des jours qui ont suivi. Après Paris, ce fut Copenhague puis, pendant le bouclage de ce numéro, Tunis. A chaque fois, nous nous sommes sentis Charlie, Cabu, Danois, Tunisiens. A chaque fois, c’est la Liberté d’expression et la démocratie que ces barbares veulent assassiner en faisant couler le sang et en voulant terroriser les peuples. Ils le font au nom d’un intégrisme religieux radical qui, pour exister, prétend détruire les traces laissées par les anciennes civilisations sumériennes à qui nous devons l’invention de l’écriture. Demain, ils tueront père et mère comme ils décapitent et égorgent aujourd’hui leurs otages et les populations irakiennes et syriennes.


A un siècle de distance, la mort tragique du chasseur Baudrillard et celle du caricaturiste Cabu se rejoignent. L’un comme l’autre sont les premiers à être tombés pour défendre la Liberté menacée. Celle de la Mère-Patrie pour l’un, celle d’expression pour l’autre. Aucun des deux ne figure sur le monument aux morts de Châlons. Tous deux sont morts en fantassin de la liberté, l’un en creusant une tranchée pour faire rempart à l’ennemi, l’autre le crayon à la main, ce thermomètre de la démocratie qu’il maniait intelligemment pour défendre la liberté tout en s’affranchissant des interdits.


Autour d’eux, il y a leurs contemporains, ceux de 1914 et ceux de 2015. Elisabeth Schultz nous fait découvrir la vie quotidienne des premiers, emplis de l’espoir que cette guerre se terminera bientôt et que la vie reprendra rapidement son cours normal. L’avenir en décida autrement. Quant à nous, les seconds, nous formons bien sûr le même espoir, en redoutant ce que l’avenir décidera et en nous préparant au pire. Si l’espoir fait vivre, alors il convient d’espérer un avenir radieux où, une fois pour toute, les extrémistes radicaux de tout poil, qu’ils soient des islamistes barbares ou qu’ils surfent sur la vague brune sous-marine, retomberont dans les abysses où avait cru les engloutir la victoire de 1945 sur le nazisme et le fascisme.


Cet avenir radieux sera l’oeuvre des combattants de la Liberté. Châlons en a connu beaucoup au cours de ses vingt siècles d’existence. Tous ne seront pas dans le futur dictionnaire des Châlonnais, mais leur flamme y brille assurément très fort et n’est pas prête de s’éteindre. Car, comme l’écrivait un anonyme sur la tombe de Cabu, « Ami ! Si tu tombes, un crayon sort de l’ombre à ta place ! ». Ce combat est celui de l’intelligence sur l’obscurantisme. Il est difficile à mener mais est tout aussi indispensable qu’incontournable. Il nous a conduit, entre les deux tours des élections départementales, à appeler à un vote républicain assorti d’un ni-ni : ni front national, ni abstention, pour que puissent continuer à vivre les valeurs de la République.


C’est un autre combat que nous menons à un échelon bien plus modeste et bien moins dramatique, lorsque nous défendons le patrimoine. Nous n’avons pas parmi nous un Léonard, cet iconoclaste qui s’en prit durant la Révolution aux sculptures de la cathédrale, ni des barbares brisant à coup de masse les statues du musée de Mossoul. L’ennemi du patrimoine châlonnais, aujourd’hui, ce n’est pas leur idéologie obscurantiste, mais les fausses bonnes idées de nos élus qui prétendent s’affranchir des contraintes pesant sur le site classé du grand Jard pour le transformer en plaine de jeux. Un combat qu’il appartient à tous les Châlonnais de mener avec nous en nous rejoignant par l’adhésion et l’abonnement et en interpellant leurs élus.

Sabine Schepens

rédactrice en chef


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